La Balance surgit au mitan de l’année astrologique, à l’instant précis où la lumière et l’obscurité s’égalisent. À l’équinoxe d’automne, le Soleil franchit la ligne, passe d’un hémisphère à l’autre, et suspend brièvement le temps entre deux souffles. C’est là que naît la Balance : entre le jour et la nuit, entre l’élan et la retenue, entre le désir d’union et la peur de se perdre.
On la figure comme une balance aux deux plateaux égaux, immobile à force de frémir. À travers elle, le zodiaque bascule. L’été décroche. L’air fraîchit. L’automne commence. Il y a comme un flottement. Quelque chose qui hésite. Quelque chose qui danse.
Car la Balance est un signe d’Air, mais pas l’Air vif et papillonnant des Gémeaux, ni celui détaché et conceptuel du Verseau. C’est un air plus doux, plus fin, presque sentimental – celui des soupirs légers, des conversations feutrées, des bruissements de soie. Le lieu du cœur, entre les mots. Le territoire du « toi et moi », où le moi apprend à se poser avec un autre, à égalité.
La Balance est sensible aux nuances. Elle perçoit les demi-teintes, les accords subtils, les dissonances sociales ou affectives. Une voix trop forte, une couleur criarde, un courant d’air mal dirigé suffisent à la froisser. Elle ne supporte ni le froid ni le chaud : il lui faut un climat tempéré, dans tous les sens du terme. Elle met des gants – souvent au propre, toujours au figuré. La Balance n’affronte pas, elle contourne, elle module, elle ajuste. Elle préfère l’harmonie à la vérité brute, le compromis à l’affrontement. Elle fuit la laideur, la violence, l’excès.
Elle n’est pas faible pour autant. La Balance est un signe cardinal : elle lance l’automne, elle ouvre un temps nouveau. Elle agit, mais à sa façon – avec tact, avec mesure, avec style. Elle est diplomate, et parfois stratège. Elle a le sens de la justice – ou du moins, celui de l’équité apparente. On l’imagine facilement en juge, en médiateur, en régisseur de débats complexes où chacun doit trouver sa juste place. Elle ne tranche pas : elle pèse. Longtemps. Trop longtemps, parfois.
L’indécision est son talon d’Achille. À force de vouloir tout comprendre, tout équilibrer, tout considérer, elle finit par ne plus savoir choisir. Ou plutôt, elle choisit à contrecœur, en se gardant toujours une porte entrouverte. Ce n’est pas par duplicité, mais par horreur de la rupture. La Balance ne veut peiner personne. Elle n’est pas un « homme de peine » – elle fuit les heurts, les conflits, les larmes.
La Balance rêve de paix. Dans les cas extrêmes, cela donne Gandhi. Dans les cas ordinaires, cela donne des êtres affables, charmants, pleins de bonne volonté, qui veulent vivre en bonne intelligence avec leurs proches, leurs voisins, le monde entier. La guerre l’angoisse, même symbolique. Si elle élève la voix, c’est en général pour appeler au calme.
Ce goût pour la paix fait d’elle une partenaire naturelle : elle valorise l’association, le couple, le contrat. Mais là encore, tout se complique. La Balance a besoin d’aimer, d’être aimée, d’être aimable – et de rester libre. Elle veut plaire à tous, elle veut plaire tout court. Elle hésite, elle concilie, elle signe – puis elle doute. Elle se marie, puis se cherche un amant ou une amante. Non pour tromper, mais pour continuer à équilibrer les forces en elle.
Car la Balance est traversée de mouvements contraires. Elle est en tension constante entre la chair et l’esprit, entre l’idéal de beauté et le plaisir du monde. Elle appartient à Vénus, déesse de la grâce, mais aussi à Saturne, qui lui impose une forme de retenue, une quête de spiritualisation. Ce mélange de sensualité et de distance fait son charme unique. La Balance charme sans jamais brusquer. Elle attire par son allure, sa voix, son regard – tout est suggestion. Mais ce charme, fragile, ne suffit pas toujours à la stabiliser.
Elle est mélancolique. C’est un mot-clé. Une tristesse douce, une langueur flottante, un soupçon de nostalgie baignent ses gestes. Elle s’attriste pour un rien, s’émeut d’un presque rien. La moindre variation d’ambiance la touche. Elle peut passer du sourire au vague à l’âme sans crier gare. On la croit légère, elle est grave. On la croit mondaine, elle est inquiète. La gaieté trop démonstrative la gêne, presque autant que la vulgarité.
Son souci de l’harmonie peut virer à l’excès. À force de tout vouloir équilibrer, elle se contrebalance elle-même, jusqu’à l’épuisement. Elle cherche dans le monde un miroir fiable à ses propres oscillations. C’est pourquoi elle aime tant les duos, les couples, les collaborations. Mais à l’intérieur, elle doute. Et dans ses doutes, elle est souvent seule.
Pourtant, dans ses meilleurs jours, la Balance est un être de beauté. Elle danse – le menuet, jamais la java. Elle parle avec élégance. Elle écoute. Elle relie. Elle pense juste. Elle sait transformer un presque rien en geste précieux. Elle vit dans la grâce d’un instant suspendu. Elle est capable d’amour véritable, profond, total, pour peu qu’on respecte son besoin de calme, de beauté, de mesure.
Avec le temps, elle comprend que l’équilibre n’est pas une position stable, mais un mouvement perpétuel. Ce n’est pas une égalité rigide entre deux poids, mais un balancement vivant. Elle cesse alors de vouloir tout résoudre, tout contenir. Elle laisse tomber son aiguille. Elle perd du poids. L’univers lui semble plus léger.
Et dans cette légèreté nouvelle, au beau milieu du zodiaque, à égale distance de l’aurore et du crépuscule, la Balance s’en balance.
