Quand le Soleil entre en Bélier, le 21 mars, c’est tout l’univers qui prend un coup de fouet. Le printemps surgit, la lumière déborde l’ombre, la vie remonte à la surface. Le Bélier est cette secousse primitive, ce jaillissement incandescent qui ne demande pas la permission : il entre, il agit, il commence. Premier du Zodiaque, il est la tête de file, le bélier qui ouvre la marche, le coup de feu du départ.
Ce signe de feu, gouverné par Mars — le dieu rouge, le muscle, le moteur — incarne l’impulsion pure. Une impulsion brute, souvent aveugle, mais jamais tiède. Le Bélier est le cri de naissance de l’année zodiacale. C’est l’enfant qui pousse son premier cri non pour appeler, mais pour exister. Il ne se tourne pas vers le monde : il le provoque. Il fonce, et pense après.
Un feu qui éclaire en brûlant
Le feu du Bélier n’est ni domestiqué, ni réfléchi. Ce n’est pas celui qui chauffe : c’est celui qui embrase. Il surgit comme un éclair, se diffuse comme une explosion, et consume comme un brasier. Il est créateur et destructeur tout à la fois — vitalité incandescente qui fertilise autant qu’elle peut tout brûler. Le Bélier est ainsi : vital jusqu’à l’excès, souvent trop pressé pour s’attarder sur les conséquences. Il agit, point.
Ce n’est pas un signe de demi-teintes. Son émotion est brutale, entière, sans modulation. Il est émotif, actif, primaire — un « colérique » au sens noble : celui qui prend à cœur, qui ne triche pas avec la vie. Il aime les départs, les élans, les jaillissements. Mais peinera dans les dernières lignes droites : ce n’est pas la persévérance qui l’anime, mais l’urgence de faire. Le Bélier a du souffle, mais pas de patience. Il se lasse de ce qu’il a déjà entamé. Il préfère recommencer ailleurs, plus vite, plus fort, plus neuf.
Tête la première
Il y a du frontal chez le Bélier — au sens physique comme psychologique. Il pense avec son corps, et son corps commence par la tête. Il l’abaisse souvent : pour charger, pour passer en force, pour cogner le monde avant qu’il ne cogne. On ne sait jamais s’il est en train de réfléchir ou de démarrer. Chez lui, penser et agir sont parfois simultanés. Il n’analyse pas : il décide.
Le mot « têtu » lui appartient. Ce n’est pas de l’obstination passive, comme chez l’âne, qui plante ses sabots dans la terre. C’est une entêtement actif, lancé en avant. Le Bélier ne recule pas. Il refuse de se replier, quitte à foncer dans un mur. D’ailleurs, les coups de tête, il connaît. Symboliquement comme littéralement, il est sujet aux collisions — amoureuses, verbales, physiques. Il ne contourne pas : il percute.
Force vive, force brute
Ce n’est pas un raffiné. Il dégrossit, il taille dans le vif. Il aime les gestes nets, les outils tranchants. Le sabre, la hache, le scalpel, la forge : tout ce qui coupe, ouvre, fend, lui convient. Le Bélier manie le fer comme il manie sa volonté : sans ambages. Il est martial, au sens ancestral : c’est un combattant, un éclaireur, un initiateur. Il n’a pas toujours vocation à commander, mais il impose son rythme. Quand il marche, les autres suivent — ou s’écartent.
Dans sa version contrariée — influencée par Saturne ou Vénus — il peut devenir un soldat triste, un guerrier sentimental, un bagarreur empêché. Mais même en rébellion contre lui-même, le Bélier garde son feu. Il se consume de l’intérieur, parfois silencieusement, parfois dans une colère sèche. La contrariété ne l’éteint pas ; elle le rend plus nerveux, plus vif, plus dangereux peut-être.
Le Bélier et la chair du monde
Le Bélier est un corps avant d’être une âme. Il ne méprise pas la pensée, mais il ne l’attend pas. Il a une intelligence d’instinct, un génie de l’immédiat. Il ressent le monde à travers l’action, non la contemplation. Sa manière d’aimer est directe, parfois brutale, souvent maladroite. Il aime comme il vit : tout de suite.
Quand il est une femme, le Bélier déconcerte — car la société attend de la douceur ce que ce signe donne en force. Elle avance, elle choisit, elle décide. Elle se fait rarement accepter, sauf quand elle ne demande pas l'autorisation. Heureusement, elle est Bélier : elle ne demande jamais.
Le Bélier préfère les signes qui le stimulent ou le contredisent franchement : Lion, Sagittaire, Gémeaux. Il a du mal avec la Balance (trop diplomate), avec le Cancer (trop lent), et plus encore avec la Vierge (qu’il ne veut même pas voir exister). Le Capricorne l’agace ; le Poisson l’ennuie. Mais il faut du contraste pour faire jaillir l’étincelle.
Figures du Bélier
Il y a des noms qui sonnent comme des charges : Marlon Brando, Goya, Casanova, Van Gogh, Nikita Khrouchtchev, Thérèse d’Avila. Tous Béliers, tous entiers. Certains plus contrariés : Baudelaire, Chaplin, Vigny — feu contenu, tempête rentrée. Trois Béliers contrariés sur quatre s’appelleraient Charles, paraît-il. Comme si le prénom devait porter sa propre contradiction.
Mais même contrarié, un Bélier reste un Bélier. Il échoue avec panache, recommence sans honte, s’abîme dans l’excès avec une honnêteté farouche. Il ne fait pas semblant. Il peut être rude, cruel parfois, mais jamais sournois. Il est ce qu’il est, immédiatement, intégralement, dangereusement vivant.
Sacrifice et création
Dans l’Ancien Testament, c’est un Bélier qui remplace Isaac. Dans les églises, on le retrouve comme Agnus Dei — celui qui porte le feu du sacrifice, non par soumission, mais par acte fondateur. Il ne refuse pas de donner sa vie, si cela doit faire advenir quelque chose. La mort du Bélier est souvent héroïque, car sa vie est déjà un combat.
Le Bélier est aussi lié à la Genèse. Le feu du commencement, celui qui fend les ténèbres et allume la première étincelle. Il est la scission originelle, le coup de hache dans la nuit primordiale. Quand il crée, il génère des mondes. Quand il détruit, il prépare un terrain neuf. Il est toujours en train de commencer.
Et même si l’écliptique ne l’abrite plus aujourd’hui, il n’en a cure. Le Bélier n’a pas besoin de justifications célestes : Mars lui suffit.