Cœur brûlant de l’été, le Lion est le cinquième signe du zodiaque, et sans doute le plus solaire. Il règne là où la lumière est à son zénith, là où la chaleur culmine, là où la vie s’étale en une profusion éclatante. Ce n’est pas un signe qui avance masqué : le Lion brille, rayonne, domine – non par calcul, mais par essence. Il est ce qu’il montre et il montre ce qu’il est. Il n’est pas tant en quête de lumière qu’il ne la produit.
Son élément, le feu, a évolué depuis l’étincelle du Bélier. Ce n’est plus l’embrasement primal, c’est une flamme stable, large, irradiante. Une force noble et maîtrisée, tendue vers un idéal de grandeur. Le Lion incarne la flamme souveraine qui éclaire et réchauffe, mais qui peut aussi aveugler et brûler. Sous son règne solaire, tout prend des dimensions héroïques : les gestes, les paroles, les passions.
Le Lion est visible. Mieux : il est fait pour être vu. Sa présence est théâtrale, parfois grandiloquente, toujours remarquée. Il marche dans la vie comme sur une scène, sûr que le monde entier le regarde. Et si ce n’est pas le cas, c’est une erreur du monde. Il ne s’agit pas d’arrogance – ou pas seulement – mais d’une nécessité intérieure de rayonner, de faire vivre quelque chose de plus grand que soi. Il n’existe pas à moitié.
Le Lion possède un goût instinctif pour la splendeur. Il aime le luxe, non pour en jouir égoïstement, mais pour en faire offrande au monde. Il faut que ça brille, que ça claque, que ça en jette. Quand les moyens manquent, il invente une somptuosité de substitution : l’attitude, le verbe, le geste – tout devient fastueux. Lorsqu’il n’a rien à offrir, il s’offre lui-même. Et s’étale. Son moi devient toile, drapeau, fresque. On parle alors, à juste titre, d’"inflation psychique".
Mais le Lion n’est pas qu’un feu de paille narcissique. Il est animé par une volonté de construire, de diriger, d’élever. Il ne conçoit pas de rester dans l’ombre ou de se contenter d’une place subalterne. "Plutôt rien du tout que sous-directeur", telle est sa devise. Il veut être chef, meneur, éclaireur – pas tant par soif de pouvoir que par nature profonde. Il est structurant. Il anime, organise, décide. Le détail l’ennuie ; il préfère en confier la gestion à d’autres. Lui s’occupe de la vision d’ensemble, des grandes fresques, des entreprises ambitieuses.
Le Lion peut se vivre comme Hercule drapé dans la peau du lion de Némée, invincible et magnanime. Il est passionné, entier, vibrant, débordant de vie. Sa générosité est réelle, et souvent immense : il donne, il offre, il rassemble, parfois au-delà de ses propres moyens. Mais il attend en retour une forme d’admiration – ou du moins, de reconnaissance tacite. Il veut qu’on voie, qu’on sache, qu’on applaudit. L’ingratitude, chez lui, blesse plus que l’offense.
Il y a chez lui une verticalité. Une aspiration à la grandeur, parfois confondue avec la grandeur elle-même. Il peut se perdre dans cette tension : l’ambition devient orgueil, la générosité devient besoin d’emprise, la lumière devient projecteur. Il parle pour tous, pense pour tous, aime être le centre – pas toujours par vanité, souvent par conviction d’incarner une vérité supérieure. "L’État, c’est moi", pense-t-il avec une naïveté quasi candide. Il ne comprend pas toujours que les autres puissent vouloir exister autrement.
La lionne, elle, partage cet appétit de rayonnement, mais avec une touche plus démonstrative. N’ayant pas la crinière royale de son homologue mâle, elle compense par des tenues spectaculaires, des gestes amples, un goût certain pour l’apparat. On la voit souvent plus qu’on ne l’entend – mais quand elle parle, c’est pour convaincre. Elle chasse dans les cocktails comme dans les affaires, dans une forme de prédation sociale flamboyante.
Le Soleil, maître du Lion, donne à ce signe une vitalité hors du commun. Il vit fort, il brûle, il consomme. Ce feu intérieur, cette énergie rayonnante, en fait un être énergique mais parfois excessif. Il est sujet aux emballements, aux congestions, aux coups de sang, aux flambées de colère ou de passion. Il est rare que le Lion se consume lentement : il explose, il foudroie, il tombe comme un orage d’été.
Car, il ne faut pas l’oublier, le Lion est aussi le signe de l’apogée… donc du début de la fin. Au sommet de l’été, alors que tout semble en pleine gloire – les champs en gerbe, les fruits mûrs, les corps dorés – déjà le sol ploie, le ciel se charge, la moisson s’annonce. Il y a une mélancolie secrète dans ce trop-plein de vie. Une peur de la chute. Le Lion sent que tout ce qui monte peut descendre. D’où parfois une théâtralité fébrile, une générosité inquiète, une ostentation comme parade face au vide.
Ce qui sauve le Lion de ses propres excès, c’est sa noblesse intérieure. Il veut bien faire, profondément. Il est capable de grands élans, de courage, de loyauté indéfectible. Quand il aime, il protège, soutient, élève. Quand il croit, il s’engage sans compter. Quand il dirige, il inspire. Il a besoin d’un public, certes – mais pas seulement pour briller : aussi pour guider, nourrir, rassembler. Le feu qu’il porte peut chauffer tout un royaume.
À condition, bien sûr, de ne pas oublier que même le Soleil a besoin de repos, et que la lumière la plus éclatante projette aussi une ombre. Loin de la caricature du monarque capricieux, le Lion est un être entier, solaire, traversé par une exigence de grandeur qui peut autant le sauver que le perdre.
Et quand l’orage vient, quand les blés plient et que la lumière décline, il ne lui reste plus qu’à tirer sa révérence avec panache. Cendres royales sur lesquelles d’autres bâtiront, en silence, la saison suivante.
